Le LOV et le cycle saisonnier du phytoplancton en Méditerranée
par Fabrizio d’Ortenzio, Vincent Taillandier, Laurent Coppola du Laboratoire d'Océanographie de Villefranche (LOV) et Thibaut Wagener Université d'Aix Marseille (MIO)
Le phytoplancton est le terme générique pour désigner les algues microscopiques qui effectuent la photosynthèse dans l’océan, comme le fait la végétation sur terre. Ces micro-algues font l’objet de nombreuses recherches car elles sont un élément-clé de la pompe biologique de carbone et le premier maillon de la chaîne alimentaire marine. Mais le suivi de cette « végétation marine » est bien plus difficile que sur terre, dans la mesure où elle est soumise aux courants de surface et aux mouvements verticaux des masses d’eaux, et que nos capacités d’observation sont plus réduites en mer. Notre compréhension actuelle du cycle saisonnier, ou phénologie, du phytoplancton est de ce fait très partielle, ce qui freine notre capacité à comprendre tant le fonctionnement des écosystèmes marins que leur évolution dans un contexte de changement climatique.
En Mer Méditerranée, la phénologie du phytoplancton a été étudiée principalement par des observations satellitaires, dites de « couleur de l’océan », qui fournissent un bon indicateur de la quantité de phytoplancton présente dans les eaux de surface. Deux catégories principales de phénologie ont été mises en évidence : observée sur la grande majorité du bassin, la première est caractérisée par de faibles variations saisonnières; la seconde, localisée sur des régions bien spécifiques, fait ressortir de fortes variations saisonnières marquées notamment par la présence d’un pic printanier.
Dans le cadre du chantier MISTRALS, les actions DEWEX et PERLE ont permis d’approfondir ces résultats dans deux de ces zones d’efflorescence printanière marquée : le Golfe du Lion en Méditerranée Nord Occidentale et le sud de l’île de Rhodes en Méditerranée Orientale. Plusieurs campagnes océanographiques et un déploiement massif de plateformes autonomes (planeurs sous-marins et flotteurs profileurs), ont permis de récolter des données inédites. Elles confirment que le cycle du phytoplancton est piloté par l’évolution saisonnière de la profondeur de la couche de mélange, c’est à dire la couche d’eau superficielle soumise aux vents et aux variations de température de l’atmosphère. C’est la dynamique de cette couche qui détermine la croissance du phytoplancton : lorsqu’elle s’approfondit en hiver, sous l’effet combiné de l’intensification du vent et de la baisse des températures, elle enrichit sporadiquement la surface avec des eaux profondes riches en nutriments. Ce phénomène prépare les conditions favorables à une efflorescence lors du printemps suivant, lorsque la température et la lumière augmentent. Cette efflorescence se maintient ensuite jusqu’à épuisement des nutriments.
Les données acquises ont également permis de mettre en évidence une spécificité de la Méditerranée concernant ce phénomène. En effet, dans les deux zones étudiées, le réservoir profond de nutriments est situé relativement proche de la surface, ce qui permet un apport en sel nutritifs par le fond, même en présence de couches de mélange hivernal relativement peu profondes. Ainsi, l’intensité de l’efflorescence de phytoplancton au printemps n’est pas directement corrélée à l’approfondissement de la couche de mélange en hiver. La prise en compte de ces informations dans les modèles numériques permettra d’améliorer notre capacité à prévoir l’évolution des écosystèmes marins en Méditerranée dans les décennies à venir.
source : site de l'INSU